Chaque sport établit une association avec des milieux sociaux. L’équitation, le golf, le hockey sur gazon, ont appartenu longtemps à l’aristocratie ; le tennis, longtemps aristocratique lui aussi, est devenu aujourd’hui le sport de la bourgeoisie moyenne soucieuse de symboles de sa réussite financière ; le football est le sport de masse par excellence ; le basket fut longtemps un sport pratiqué dans les écoles, les lycées et les universités du fait du peu d’espace qu’il exigeait et de la possibilité de le pratiquer tout au long de l’année, en salle l’hiver ou dehors l’été. Aujourd’hui, sous l’influence américaine, il est devenu le sport des jeunes des cités, la balle de la rue (streetball).
Dans ce panorama socio-sportif, la boxe (comme c’est son habitude !) occupe une place à part. Elle est le seul sport à concerner des milieux sociaux très différents selon qu’on le pratique ou qu’on le regarde. Dès l’origine (Voir Boxe anglaise), elle a passionné les aristocrates et a mis en scène une majorité d’individus issus de milieux défavorisés. Cette configuration particulière a survécu aux évolutions de ce sport et de la société. De nombreux films ont montré ces jeunes femmes élégantes, ces êtres fragiles, ces intellectuels inquiets, ces artistes égarés, qui, tout en se déchaînant pour leur champion, n’étaient à aucun moment effleurés par l’idée de monter eux-mêmes sur le ring. Longtemps les boxeurs et les écrivains ont fait bon ménage.
Il est rare qu’un passionné de football n’ait pas lui-même tapé dans un ballon. Il est rare qu’un passionné de tennis ne manie pas la raquette de temps en temps. Il est rare qu’un passionné d’équitation ne monte pas lui-même. En boxe, rien de tel : on ne pratique pas la boxe, on est boxeur. Il y a donc ceux qui en sont et qui montent sur le ring et ceux qui n’en sont pas et qui viennent les voir.
La situation de la boxe pieds-poings diffère quelque peu de celle de la boxe anglaise, dans la mesure où ces sports sont récents, peu médiatisés. Le public de la boxe pieds-poings déborde peu du cadre des pratiquants et de passionnés proches culturellement, socialement ou affectivement des pratiquants eux-mêmes. Autour du ring, on trouve nombre d’individus qui y sont eux-mêmes montés un jour, ou qui y montreront sans doute un jour.
En revanche, en Thaïlande, on retrouve dans la composition du public des combats de Muay Thaï une situation voisine de celle de la boxe anglaise associant des combattants déshérités à un public plus ou moins fortuné qui se passionne autant pour le sport lui-même que pour les paris qu’il occasionne (Voir Violence).