L’envie de monter sur le ring, d’accomplir un exploit, de devenir champion, de triompher de ses adversaires, d’être reconnu par les autres, cette envie naît de l’existence dans le psychisme humain d’un schéma de comportement qu’on appelle « le mythe du héros ».
Le mythe du héros
On pourrait se demander pourquoi l’homme éprouve de l’admiration pour les champions, pourquoi certains individus veulent concourir pour des titres, pourquoi le public vient les voir accomplir leur exploit. Les animaux n’ont pas l’air très préoccupés par toutes ces choses qui nous passionnent ! L’homme a donc en lui un certain schéma psychologique qui le pousse à devenir champion ou à admirer les champions. Et ce schéma est universel. On le rencontre au pôle nord et au pôle sud, à l’ouest et à l’est. C’est un archétype de l’inconscient collectif qu’on a appelé « le mythe du héros ».
Ce mythe est comme un scénario (d’autres pourraient y voir une sorte de programme informatique) que de nombreux auteurs, depuis très longtemps, ont d’ailleurs utilisé pour nous raconter une histoire, toujours la même en fait, seuls les personnages changeant selon les époques et les cultures. Et comme ce mythe est inscrit dans notre cervelle, nous adorons bien sûr qu’on nous raconte cette histoire. Mais le mythe n’a pas vocation première de fournir des scénarios aux auteurs ! C’est un schéma de comportement qui peut, à un moment de notre vie, devenir actif et nous conduire à accomplir telle ou telle action.
Le scénario du mythe du héros
Le héros est très souvent un enfant humble, abandonné par sa famille dès sa naissance, ou rejeté par son clan. Il est doté d’un certain pouvoir, d’un certain talent, qui souvent en fait la risée de son entourage. Un jour, il sent en lui un appel, qui le pousse à quitter son environnement habituel pour aller accomplir un exploit. Il va utiliser son pouvoir, son talent, pour triompher d’un ennemi.
Cet ennemi est rarement un ennemi personnel, c’est une force hostile au groupe. Le héros se sent chargé d’une mission : celle de débarrasser la collectivité de cette force hostile. Il décide donc d’accomplir un exploit individuel dans l’intérêt de tous. Il est prêt au sacrifice de lui-même. Les Dieux sont souvent avec lui et l’aident à accomplir son exploit. Le triomphe du héros a toujours quelque chose de magique. Une fois l’ennemi anéanti, le héros revient dans son clan où il est reconnu et acclamé.
Comment se termine l’histoire du héros ? Il y a deux fins possibles. Celle, traditionnelle, des contes de fée : Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Souvent, en effet, le héros a dédié son exploit à une Belle. Une fois l’exploit accompli, il se « range », il épouse la Belle, juste récompense de son mérite, et devient un membre anonyme de la collectivité. Il passe alors de l’exploit individuel à la coopération avec les autres hommes.
L’autre fin est plus pitoyable : après son exploit, le héros prend un peu la grosse tête. Il devient orgueilleux et, par son attitude arrogante, détruit tout le capital de sympathie qu’il avait accumulé sur sa personne. La chute n’est pas loin. Il tombe en disgrâce ; il est de nouveau banni, quand il n’est pas sacrifié.
Du héros au champion
Tel est le mythe du héros. Mais ce mythe n’est pas qu’une fiction. Le conte de fée n’est là que pour décrire un phénomène psychologique bien réel qui intervient surtout au moment de l’adolescence pour pousser le jeune à passer à l’âge adulte. Pour devenir adulte, l’adolescent doit se dépasser, accomplir un exploit individuel qui soit utile au groupe. Ce n’est que lorsqu’il fait la démonstration qu’il est capable, tout en menant une démarche personnelle, de « penser collectif », qu’il est digne de faire partie des adultes de la tribu.
Le problème est que certains individus gardent ce besoin d’accomplir un exploit bien au-delà de l’adolescence. Ils veulent rester toute leur vie un héros. Ce qui fait qu’on les reconnaît facilement. Toujours à la poursuite d’un nouvel exploit, aimant vivre dans le danger, ils gardent quelque chose d’un adolescent. Ils s’attirent naturellement l’hostilité de leur entourage, car, de plus en plus, il apparaît qu’ils poursuivent un but uniquement personnel. Leurs exploits ne visent qu’à les valoriser et alors qu’on attend d’eux qu’ils coopèrent avec les autres hommes à la vie de la société, on les voit lancer des défis en permanence à tout ce qui bouge.
Mais ils sont bien pardonnables, car notre société tout entière vit sur le mythe du héros. L’esprit de compétition entre les individus y règne en maître. La recherche de la première place, quelle que soit l’activité, est considérée comme une attitude positive. L’ambition est une qualité très prisée.
Le sport en général, mais tout particulièrement la boxe, repose sur ce mythe. Le champion est un héros, qui accomplit un exploit utile au groupe. Il est acclamé et on lui remet une coupe, une médaille ou une ceinture. Il est un modèle, et son parcours, sa réussite, nous incitent, chacun dans notre domaine, à accomplir notre propre exploit.
Mais, on l’a vu, le moment délicat est celui qui suit l’accomplissement de l’exploit. Comme tous les héros, les sportifs connaissent ce problème de la reconversion.