Historique de la boxe thaïlandaise
L’histoire du May Thaï se confond avec celle du peuple thaïlandais. Les deux, cependant, sont difficiles à connaître. En effet, quand les Birmans ont mis à sac et rasé la ville de Ayuddhaya, les archives historiques thaïlandaises ont été perdues. Et avec elles une partie de l’histoire récente du Muay Thaï.
Le peu que nous savons vient des écrits des Birmans, des Cambodgiens, et plus tard de visiteurs européens, dont le plus célèbre est l’Abbé de Choisy, un prête jésuite français, membre d’une délégation envoyée en Thaïlande par Louis XIV au XVIIè siècle.
Le peuple thaï était en fait très dispersé. Une composante importante s’était établie au VIIIè siècle au sud de la Chine, où elle avait fondé le royaume de Nanchao. Les Thaïs en auraient été chassés par les Mongols et les Chinois. Une longue migration les aurait ensuite conduits vers l’actuelle Thaïlande, où vivaient à cette époque deux populations : les Mon et les Kmers. On raconte volontiers que c’est au cours de cette migration que les Thaïlandais, qu’on appelait alors les Siamois, auraient mis au point leurs techniques guerrières connues sous le nom de Muay Thaï.
Mais des Thaïs étaient aussi installés dans la péninsule du Siam, tout au long des affluents du Ménan, formant des groupes plus ou moins compacts et l’on pense aussi que le Muay Thaï aurait été développé par ces groupes pour se défendre des voisins.
Mais toutes les sources s’accordent sur un point : au départ, le Muay Thaï fut une technique de combat rapproché utilisée dans les champs de bataille. Une technique qui se révélait plus mortelle que les armes qu’elle remplaçait.
Autrefois, tous les conflits nationaux se réglaient par des compétitions de Muay Thaï.
Le Muay Thaï est d’abord un art guerrier
La première apparition du Muay Thaï à la fois comme discipline sportive et comme technique de guerre remonte au règne du roi Naresuan, en 1584, une époque connue sous le nom de période Ayuddhaya. Tous les soldats s’entraînaient alors au Muay Thaï et pouvaient l’utiliser sur le champ de bataille, comme le roi lui-même. Puis, peu à peu, le Muay Thaï s’éloigna de ses racines et ses techniques évoluèrent.
L’évolution de cet art martial se poursuivit sous le règne d’un autre roi guerrier, Prachao Sua, connu sous le surnom du « Roi Tigre ». Il aimait tellement le Muay Thaï qu’il allait souvent dans les villages de son royaume participer incognito à des joutes et donner la raclée aux champions locaux... (voir plus bas).
Au cours de son règne, le pays connut une période de paix. Pour occuper son armée, il lui ordonna de s’entraîner au Muay Thaï. Ce qui eut pour résultat d’augmenter encore d’un cran l’intérêt du peuple pour cet art martial. Ainsi, la boxe thaïlandaise devint le passe-temps favori du peuple, de l’armée et du roi. Les sources historiques montrent que des personnes de toutes conditions affluèrent en masse dans les camps d’entraînement. Riches, pauvres, jeunes, vieux - tous voulaient de l’action ! Chaque village organisait ses combats professionnels et avait ses champions. Peu à peu, chaque affrontement devint l’enjeu de paris. Cette tradition des paris est restée attachée à ce sport et aujourd’hui encore des sommes très importantes sont engagées sur l’issue des combats.
Le Muay Thaï a toujours eu les faveurs du peuple, mais sa popularité a varié selon les époques. Ainsi, sous le règne de Rama V, de nombreux combats furent organisés à l’initiative du roi. Aujourd’hui, des titres comme « Muen Muay Mee Chue » de Chaiya ou « Muen Muay Man Mudh » de Lopburi sont intraduisibles. Ils signifient quelque chose comme « Commandant de boxe ». A l’époque, ces titres étaient très prisés et très respectés.
L’époque de Rama V fut un autre âge d’or pour le Muay Thaï. Des camps d’entraînement furent créés. Au sein du Commandement Royal, des découvreurs de nouveaux talents furent chargés de recruter des boxeurs potentiels dans tout le pays. Des organisateurs se mirent à monter de grandes compétitions où se faisaient et se défaisaient les gloires et les fortunes... Ces rencontres enchantaient les populations de cette époque, au moins autant que les combats qui se livrent aujourd’hui dans les stadiums de Bangkok.
Les combats d’alors ne se déroulaient pas sur un ring. Tout espace de bonne dimension était utilisé : une cour, une clairière de village... C’est seulement sous le règne de Rama VI que le ring entouré de cordes entra en usage, ainsi que le chronométrage avec une horloge. Auparavant, le temps était décompté en faisant flotter une coquille de noix percée. Quand la coquille coulait, un tambour signalait la fin de la reprise.
Le Muay Thaï a toujours été aussi bien un sport pour le peuple qu’une technique de combat pour les militaires. A l’âge d’or, tout le peuple s’est entraîné et a pratiqué ce sport, du roi au plus commun des mortels. Il a fait partie des disciplines enseignées à l’école jusqu’en 1920, année où, le nombre de blessures devenant trop élevé, il en fut retiré. Cependant, les adultes continuèrent à l’apprendre dans les gymnases et dans les clubs, comme aujourd’hui.
Pendant des siècles, l’Armée a assuré la promotion du Muay Thaï. Les soldats s’y sont entraînés et ont utilisé ses techniques aussi longtemps qu’il y a eu une armée en Thaïlande. Pour les militaires, il a toujours été la technique privilégiée de combat rapproché, l’art martial des champs de bataille. Quand un soldat thaï lutte en corps à corps, il utilise le Muay Thaï. Mais tous les Thaïlandais - hommes ou femmes - font de même. L’observer, l’apprendre, l’imiter, tout cela fait partie de l’enfance de chaque Thaïlandais. Il en a toujours été ainsi.
L’art martial devient un sport
Le peuple a toujours accompagné ce sport et a été l’instrument de son passage des champs de bataille au ring. Il a pris une part importante dans sa transformation en sport, au moins autant que les rois.
Le premier pas vers cette transformation est dû au « Roi Tigre » qui modifia non seulement le style du Muay Thaï, mais aussi l’équipement.
C’est durant son règne qu’on commença à entourer les mains et les avant-bras avec des bandes faites de crin de cheval. A la fois pour protéger le combattant et aussi pour infliger à son adversaire des dommages plus grands encore ! Par la suite, ces bandes furent remplacées par des cordes de chanvre et des bandes de coton amidonné. Dans certains combats très particuliers, et avec l’accord des adversaires, du verre pilé était mélangé à de la glu et étalé sur les bandes...!
Ce glissement progressif vers la pratique sportive s’est surtout sentie au niveau des équipements, mais ces aménagements furent très accessoires. Ainsi, les combattants ont toujours porté des protections au bas-ventre car les coups de pied ou de genou dans cette partie du corps étaient parfaitement réglementaires jusqu’en 1930. Au début, la protection était une écorce d’arbre ou un coquillage maintenus par une bande de tissu passant entre les jambes et autour de la taille.
Plus tard la protection du bas-ventre fut assurée par une coquille rembourrée de forme triangulaire et de couleur bleue ou rouge, attachée autour de la taille et autour des jambes avec une lanière.
Cette protection est apparue après qu’un boxeur eut vu au cours d’un voyage en Malaisie une coquille pour le bas-ventre. Il revint avec l’idée, qui est proche de l’idée originelle d’un coquillage, et à partir de cette époque, les combattants thaïs se sont mis à l’utiliser.
Le Muay Thaï à l’heure du sport moderne
Les années 30 ont vu les changements les plus radicaux dans ce sport. C’est à cette époque qu’il a été codifié. Certaines des règles introduites sont encore en usage aujourd’hui. Les bandes entourant les mains et les avant-bras ont été abandonnées au profit des gants.
Cette nouveauté fut aussi nécessitée par le succès grandissant des boxeurs thaïlandais dans les rencontres internationales.
En même temps que le gant apparurent les catégories de poids, basées sur la classification internationale. Ces innovations et d’autres encore, comme l’introduction des cinq reprises, modifièrent de façon substantielle les techniques de combat que les boxeurs utilisaient auparavant, ce qui provoqua la disparition de quelques-uns.
Avant l’introduction des catégories de poids, un combattant pouvait, et devait, affronter le premier adversaire qui se présentait, sans tenir compte de la différence de taille ou de poids. L’introduction des catégories de poids signifiait que les combattants allaient être moins souvent engagés et au lieu d’un champion unique, il y aurait un champion pour chaque catégorie de poids.
Le Muay Thaï aujourd’hui
La plupart des combattants appartiennent aux catégories de poids les plus légères. Soixante-dix pour cent des boxeurs se trouvent dans les catégories de poids mouche et coq. Il y a des combats dans les catégories des poids welter ou des poids moyens, mais pas aussi souvent et les combats dans les catégories plus lourdes sont rares.
La construction des stadiums en remplacement des rings improvisés dans les cours commença sous le règne de Rama VII, avant la Seconde guerre mondiale. Pendant la guerre, ils disparurent les uns après les autres, mais ils se multiplièrent de nouveau dès la fin des hostilités. Le Muay Thaï n’avait perdu aucun de ses attraits et les boxeurs du pays vinrent de nouveau chercher gloire et fortune à Bangkok.
La gloire pouvait se trouver dans les stadiums comme le Rajdamnern et le Lumpini. Plus tard, ils combattirent en couleurs à la télévision... La 7è chaîne de télévision thaïlandaise retransmet des combats en couleurs depuis vingt ans maintenant. Aujourd’hui, les quatre chaînes de télévision thaïlandaises diffusent quatre nuits par semaine des combats de Muay Thaï à des millions de passionnés à travers tout le pays.
L’art martial a évolué vers un sport populaire, réglementé, codifié, avec ses cinq reprises de trois minutes séparées par une période de récupération de deux minutes.
Les anciens boxeurs, ceux qui ont combattu avant la dernière guerre mondiale, se lamentent des changements intervenus dans leur sport. La reprise de trois minutes et les catégories de poids ont, disent-ils, dénaturé le sport qu’ils ont connu.
« Il fallait combattre tous les challengers » se rappelle l’un d’eux. « Il fallait connaître toutes les ficelles du métier. On utilisait des coups et des techniques dont les boxeurs d’aujourd’hui n’ont pas idée. On n’avait pas ces pauses et on combattait jusqu’à ce qu’un des deux abandonne ».
Ils n’ont pas tort. Le Muay Thaï a évolué au fil des années. L’ensemble de techniques de combat rapproché sur les champs de bataille est devenu une tradition du combat qui s’est transmise de génération en génération jusqu’aux boxeurs d’aujourd’hui.
Le Muay thaï, un sport prisé dans le monde entier
Mais en dépit de cette évolution, le Muay Thaï n’a perdu aucun de ses attraits "exotiques" et mêmes mysthiques. Il est toujours l’art de combattre en frappant des coups. Un art à même de relever les défis du Kung-Fu, du Karaté, du Taekwondo et de la mode récente des boxes pieds-poings. Beaucoup sont venus à plusieurs reprises se tester en Thaïlande.
Le Muay Thaï n’a rien perdu de son attrait en Thaïlande et les retransmissions de combats font partie des programmes de télévision les plus regardés. Dans les villages, on se réunit autour d’un poste pour regarder le combat. En ville, les rues sont désertes les soirs de retransmission.
La boxe thaïlandaise est aussi devenue très populaire au-delà des frontières de la Thaïlande. Elle a ses passionnés et ses adeptes sur le continent américain, en Australie, au Japon, en Europe, et dans bien d’autres régions du monde.
L’histoire illustre du Muay Thaï continuera tant que sa renommée grandira et que sa popularité internationale augmentera.